Madama Butterfly - Puccini - Théâtre des Champs Elysées - 7 novembre 2017
Madama Butterfly
Giacomo Puccini
Drame en trois actes - 1904
Livret de Luigi Illica et de Giuseppe Giacosa
Théâtre des champs Elysées, version concert
Ermonela Jaho : Madama Butterfly
(Cio-Cio-San)
Bryan Hymel : Pinkerton
Marie-Nicole Lemieux : Suzuki
Marc Barrard : Sharpless
Wojtek Smilek Il : Bonzo
Valentine Lemercier : Kate Pinkerton
Christophe Gay : Yamadori
Mikeldi Atxalandabaso : Goro
Pierre Doyen : Le commissaire
Barbara Vignudelli : La cousine
Elodie Salmon : La mère
Isabelle Tréhout-Williams : La tante
Sylvain Levasseur : Yakusidé
Mikko Franck direction
Orchestre Philharmonique de Radio France
Chœur de Radio France direction Alfonso
Caïani
Belle soirée que l’on doit d’abord à
Puccini et à Ermonela Jaho, interprète exceptionnelle du pauvre papillon épinglé
puis abandonné par Pinkerton, officier A-ME-RI-CAIN, égoîste et insouciant, qui
prendra son plaisir pour oublier aussitôt la toute petite Cio-Cio-San (15 ans)
et aller convoler dans son milieu social et culturel. Elle ne s’en remettra
pas.
J’aime cet opéra sans complaisance, qui
dénonce avec beaucoup de coeur et de courage, des moeurs alors considérés comme
“normales” de séduction et d’abandon. La première version en deux actes, ne
comprenait pas l’air final des “regrets” de Pinkerton, qui adoucit un peu une
vision exclusivement cynique du ténor. (« Addio,
fiorito asil »)
J’aime cet opéra qui met en scène une femme
d’abord et avant tout (tous les autres personnages sont secondaires et tournent
autour de la belle Japonaise, gheisa par nécessité, déshonorée par Pinkerton,
amoureuse de l’Amérique à laquelle elle prête des vertus sur les droits des
femmes qui ne s’appliqueront pas à une petite japonaise de 15 ans.
Les interludes musicaux de Madame Butterfly
sont d’immenses réussites orchestrales et le fameux et glaçant choeur “à
bouches fermés” qui annonce l’issue tragique imminente, est un “must”
particulièrement bien interprété hier soir.
Quand Ermonela Jaho est Madame Butterfly,
aucune mise en scène n’est nécessaire ; elle pourrait même paraitre superflue
si elle détournait l’attention du jeu extraordinaire de la soprano. Car Jaho
vit son personnage (et accessoirement elle le chante, très bien d’ailleurs).
Aucun des sentiments par lesquels elle passe, n’échappe à ses expressions
corporelles et faciales : elle est gamine, elle est fière d’attirer le regard
du bel officier américain, elle reste enfant mais aspire à la réussite sociale
et à l’amour, le monde est merveilleux, elle ne perçoit pas le marchandage dont
elle est victime, elle y croit. Trois ans ont passé. Elle y croit encore,
toujours, l’attend, malgré les conseils de Suzuki, puis les révélations de
Sharpless.
Pourtant dans son attitude, on ressent des
doutes, quelques fêlures vite dissimulées, elle se recroqueville un peu, avant
de se redresser. Non, il reviendra...
Incroyable Jaho. Inutile de regarder les
surtitres : outre une exceptionnelle diction et une très belle voix, ce qui la
caractérise, c’est cette intense traduction permanente, loin du “beau chant”
asbtrait, pour vivre et donner à vivre la tragédie seconde par seconde. Son air
final « Con onor muore »
est à mourir sur place....
A ses côtés ses partenaires essaient de se
tenir à son niveau et l’ensemble n’est pas mal du tout.
A commencer par le Pinkerton, très brut de
décoffrage de Bryan Hymel, qui chante avec beaucoup de conviction et de volume
(et un timbre qui reste ingrat à mon oreille), son personnage à qui il ne donne
guère ni de rondeurs, ni de nuances. C’est très efficace sur les airs héroïques
de l’acte 1 (« Dovunque al
mondo ») et cela nous donne un très beau final de l’acte, où les deux
protagonistes enthousiastes proclament ensemble « Viene la sera ». Mais on constate déjà beaucoup plus de
douceurs et de nuances chez elle que chez lui. Son « Addio, fiorito asil » final est, quant à lui, chanté en
force, et manque de subtilité dans les regrets romantiques alors exprimés par
le personnage. Mais dans l’ensemble
c’est une très belle composition aussi dans un rôle beaucoup moins important,
et je remarque une fois encore, les qualités d’investissement scénique d’Hymel,
de même qu’une plus grande unité de son timbre sur toute la tessiture.
Marie-Nicole Lemieux est un peu moins convaincante en Suzuki, très fort vibrato permanent et voix qui ne tient pas
bien la route. Scéniquement par contre elle assure et l'on ressent totalement sa profonde pitié pour les illusions (qu'elle n'a pas) de sa petite protégée.
Marc Barrard est un honnête Sharpless, beau
timbre et belle incarnation de celui qui est chargé d’apprendre l’affreuse
vérité à Madame Butterfly alors même qu’il a tenté de faire comprendre à
Pinkerton la cruauté de son attitude...
Wojtek Smilek est un excellent Bonzo tout
comme Valentine Lemercier campe fort bien le court rôle de Kate Pinkerton
(classe, élégance et physique de l’emploi...).
Christophe Gay est un Yamadori fort
amusant du fait de l’impressionnante mèche qu’il déploie fièrement à l’avant de
son crâne et Mikeldi Atxalandabaso est un très bon Goro également.
L’orchestre philharmonique de Radio France
déploie des trésors de musicalité et de technique au service de Puccini et sous
la direction efficace de Mikko Franck (très impliqué). On regrettera que sa
sonorité soit parfois excessive, sans couvrir les chanteurs, elle relativise
parfois leurs voix et c’est dommage.
Excellent choeur de Radio France également.
Retransmission sur France Musique le 19 novembre.
https://www.francemusique.fr/emissions/dimanche-l-opera/madame-butterfly-au-theatre-des-champs-elysees-38048
Retransmission sur France Musique le 19 novembre.
https://www.francemusique.fr/emissions/dimanche-l-opera/madame-butterfly-au-theatre-des-champs-elysees-38048
Bref, une soirée comme on les aime.
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