Les Vêpres siciliennes - Verdi - Londres ROH - 9 octobre 2017
Les vêpres siciliennes
Livret
Mise en scène : Stefan Herheim
Direction musicale : Maurizio Benini
Londres, Royal Opera House, séance du 9
octobre 2017
Hélène : Malin Byström
Henri : Bryan Hymel
Jean Procida : Erwin Schrott
Guy de Montfort : Michael Volle
Ninetta : Michelle Daly
Daniéli : Nico Darmanin
Thibault : Neal Cooper
Robert : Jihoon Kim
Mainfroid : Samuel Sakker
Le Sire de Béthune : Simon Shibambi
Le Comte de Vaudemont : Jeremy White
Choeurs du Royal Opera
Orchestre du Royal Opera House
Création en 1855, à l’opéra de Paris, salle
Le Pelletier.
Les “Vêpres Siciliennes” est un opéra politique
de Verdi, inspiré des événements réels connus sous le même nom. Il s’agit en
effet d’ un soulèvement et d’une révolte populaire de la Sicile contre la
domination féodale du roi Charles d’Anjou à Palerme et à Corleone en mars 1282,
durant les Pâques. Les Siciliens se sont
libérés du joug angevin pour passer sous la protection du roi d’Aragon.
L’opéra est en langue française (mais Verdi
en a également fait une version italienne) et a subi l’influence de ce qu’on
appelle à l’époque le grand opéra français, les oeuvres de Meyerbeer et Halevy
notamment, oeuvres fleuves, à thème politique et social, avec ballets.
La petite histoire s’insère alors dans la
grande : Hélène, duchesse de Sicile, entonne un chant de révolte pour venger
son frère, puis arrive Henri, jeune sicilien, qui vient d’être gracié et se met
à son tour à contester avec virulence le pouvoir du gouverneur Montfort dont il
ignore la présence. Ce dernier tente, en vain, de l’acheter ou de le corrompre.
Se rencontrent ensuite Hélène, Henri et le médecin
sicilien Procida qui complotent clandestinement apprenant le possible soutien
de Pierre d’Aragon. Henri déclare sa flamme à Hélène tandis que Montfort tente
encore de le soumettre avant de l’arrêter.
Mais évidemment, les tentatives de Montfort
d’éviter le pire à Henri ont une bonne raison : il a appris par une lettre de
la mère du jeune homme qu’il était son père...ce qu’il finit par lui révéler.
Le soir au bal masqué les protagonistes sont tous présents et Henri s’opposera
au meurtre de son “père”.
Les conjurés sont arrêtés. S’ensuit un
terrible dilemme pour Henri, sommé de révéler la vérité sur sa parenté avec
Montfort par ce dernier, sinon ses amis seront exécutés. Il le fait et Montfort
organise le mariage d’Henri et d’Hélène qui cède à son tour.
Mais Procida l’informe que dès les cloches
sonneront, l’insurrection commencera.
L’opéra se termine par le massacre des
français, les “vêpres siciliennes”.
La mise en scène de Stephane Herheim, qui
transpose l’histoire au moment de la création de l’opéra sous le deuxième
Empire, date de 2013.
Un DVD en avait été tiré d’ailleurs avec
une distribution à peu près identique mise à part le rôle d’Hélène qui était
alors tenu par Liana Haroutounian en remplacement de Marina Poplavskaya, l’une
des sopranos vedettes de l’époque qui multipliait alors les annulations et ne
remonta plus jamais vraiment sur scène dès 2014. La direction était alors
assurée par Antonio Pappano.
La reprise du Royal Opera House est
particulièrement intéressante puisque la mise en scène désormais rodée,
confirme qu’elle fonctionne très bien, donnant un jeu de miroirs à l’infini
assez fascinant et permettant un jeu d’acteurs efficace et crédible.
Le respect du style “Grand Opéra” français
qu’avait voulu Verdi avec cette oeuvre (comme avec son Don Carlos, donné
actuellement à l’ONP), est bien présent dans la mise en scène grâce au ballet
formé par quelques danseurs étoiles en tulle blanc ou noir, représentant tout
au long de l’opéra, la grâce, la douceur, violentée et mise à mal par
l’occupant (français).
Beaucoup d’évolution dans les décors pour
coller à la partition du plus près possible et valoriser le déroulement du
récit, tout en favorisant les conditions acoustiques pour les chanteurs. Bref
du beau travail de metteur en scène pour un grand opéra.
Le deuxième atout des représentations de
Londres est le chef Maurizio Benini, qui dirige l’orchestre, les choeurs, les
chanteurs (et le ballet) avec un doigté et un sens des couleurs et des nuances
absolument parfait. Un plaisir des oreilles, malgré l’emphase de certaines
parties musicales, tout reste sous contrôle en harmonie avec le plateau vocal.
C’est l’étonnant Michael Volle en Guy de
Montfort qui retient d’abord l’attention : pour l’avoir vu dans toutes sortes
de rôles plutot mozartiens (Papageno) ou wagnériens (Sachs à Bayreuth cet été),
on est d’abord surpris de le voir si à l’aise dans Verdi. Le baryton allemand
incarne magnifiquement le personnage, excellent acteur et surtout chanteur hors
pair, il nous tient en haleine d’un bout à l’autre de l’opéra, dominant le
reste du plateau de tous les points de vue.
Mais il a d’excellents partenaires et
d’abord le Jean Procida d’Erwin Schrott à qui le personnage a manifestement
beaucoup plu puisqu’il l’habite avec une profondeur dont il ne fait pas
toujours preuve, disciplinant son chant jusqu’à l’extrême et nous donnant une
très belle prestation lui aussi.
Le cas de Bryan Hymel en Henri est à la
fois exaltant et parfois décevant. Le ténor américain possède un timbre que je
n’aime décidément pas beaucoup, et un medium qui n’est pas très affirmé. Par
contre il a des aigus (et la partition n’en manque pas) brillants, flamboyants
même, avec lesquels il est parfaitement à l’aise et comme il campe un Henri
très “juvénile”, un peu naif, plein d’allant, on ne peut qu’adhérer à sa
performance assez rapidement avant de se laisser complètement séduire par les
airs héroiques de la fin de l’opéra. Le duo avec Michael Volle en particulier
était magnifique.
Quant à la très belle Malin Byström
(Hélène), elle a été ma découverte de la soirée. Je l’avais déjà entendue (et
remarquée) dans Guillaume Tell dans ce même ROH. Elle irradie ces “Vêpres” de
sa présence et de son chant. Elle semble se mouvoir sur scène comme une de ces
danseuses de ballet, avec une grâce infinie, son chant est pur, beau et les vocalises
de son dernier air sont à la fois d’une grande précision et magnifiquement
colorées, bref, elle rajoute au plateau désormais traditionnel de ces vêpres,
une touche magique.
L’ensemble des autres artistes, comme
souvent à Londres, est parfaitement à sa place de tous les points de vue.
Une reprise qui est une réussite et le
plaisir pour moi de voir deux soirs de suite, le grand opéra français façon
Verdi.
A noter :
La production de Jens-Daniel Herzog de
ces Vêpres Siciliennes, sera donnée à l’opéra de Francfort fin novembre et
début décembre avec la distribution suivante :
Guy de Montfort : Christopher Maltman
Sire de Bèthune: Brandon Cedel
Graf von Vaudemont : Jonathan Beyer
Henri, ein junger Sizilianer : Leonardo Caimi
Jean Procida, Arzt aus Sizilien : Kihwan Sim
Herzogin Hélène : Barbara Haveman
Ninetta : Nina Tarandek
Détails :
http://www.oper-frankfurt.de/de/spielplan/les-vepres-siciliennes-/-die-sizilianische-vesper/?id_datum=917
Et le Bayerische Staatsoper donnera
également cet opéra magnifique lors de sa prochaine saison (en mars 2018) dans
une nouvelle production de Antú Romero Nunes avec la distribution suivante (où
l’on retrouve Hymel et Schrott) :
Hélène Carmen Giannattasio
Ninetta Helena Zubanovich
Henri Bryan Hymel
Guy de Montfort George Petean
Procida Erwin Schrott
Danieli Matthew Grills
Mainfroid Galeano Salas
Robert Callum Thorpe
Thibaut Dean Power
Le Sire de Béthune Alexander Milev
Le Comte de Vaudemont Johannes Kammler
La Première du 11 mars 2018 sera retransmise
par BR Klassik et la séance du 18 mars sera retransmise en livestream par le site du BSO lui-même.
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