La Veuve Joyeuse - Opérette de Franz Lehar - Bastille - 9 septembre 2017

Die lustige Witwe (La Veuve joyeuse)


Opérette en trois actes (1905)

de Franz Lehár


Livret : Victor Léon et Leo Stein
D'après Henri Meilhac - L’Attaché d’ambassade

En allemand surtout mais avec un peu de français et un chouia de pontévédrien... 

Direction musicale :
Jakub Hrůša 9, 22, 24 sept., 21 oct.
Marius Stieghorst 12, 14, 16, 20, 28, 30 sept., 5, 9, 11, 15, 18 oct.

Mise en scène
Jorge Lavelli


Graf Mirko Zeta : Franck Leguérinel
Valencienne : Valentina Naforniţa
Graf Danilo Danilowitsch : Thomas Hampson
Hanna Glawari : Véronique Gens
Camille de Rosillon : Stephen Costello
Vicomte Cascada : Alexandre Duhamel
Raoul de SaintBrioche : KarlMichael Ebner
Bogdanowitsch : Peter Bording
Sylviane : Anja Schlosser
Kromow : Michael Kranebitter
Olga : Edna Prochnik
Pritschitsch : Julian Arsenault
Praskowia : Yvonne Wiedstruck
Njegus : Siegfried Jerusalem
Lolo : Esthel Durand
Dodo : Isabelle Escalier
Jou-Jou : Sylvie Delaunay
Frou-Frou : Virginia Leva-Poncet
Clo-Clo : Ghislaine Roux
Margot : Marie-Cécile Chevassus

Décors : António Lagarto
Costumes :Francesco Zito
Lumières : Dominique Bruguière
Chorégraphie : Laurence Fanon Chef des ChoeursJosé Luis Basso

Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris

Première le 9 septembre.

les photos sont celles du site de l'ONP- © Guergana Damianova / OnP


La “Veuve joyeuse” est l'une des premières opérettes de Franz Lehar qui en écrivit beaucoup par la suite avec  talent et succès dans cet avant-guerre qui voyait encore l’Europe comme dirigée par des rois et princes d’opérette alors que l’horreur se préparait. Insouciance donc et amusettes avec tout ce qui deviendra cliché : banqueroute de petits états (le Pontevedro est inspiré du Montenegro), mariages arrangés pour sauver les cours princières, chassé-croisé d’aristocrates qui “flirtent”, bergères qui épousent (ou non) des Princes, états de la monarchie austro-hongroise très conservateurs et libertés de moeurs de Paris, traditions culturelles folkloriques et divertissements à la mode (de Paris, capitale du plaisir), langues qui s’entremêlent aussi (de l’allemand surtout mais aussi du français et un peu de la langue du pays imaginaire), dialogues parlés et grands airs célèbres comme «Heure exquise» ou la «Chanson de Vilja», véritables tubes qui vous restent en tête toute la soirée.
Malgré ces moments musicaux réussis, l’ensemble de l’opérette n’est pas musicalement exceptionnelle. Je lui préfère d’autres oeuvres plus tardives de Léhar.

La “Veuve joyeuse” dont il existe une version allemande et une version française, ne manque pas de faire penser à la “Vie Parisienne” d’Offenbach et son côté “inachevé” tient sans doute au fait que rien n’y est vrai, tout y est imité, à l’instar du faux “Maxim’s” où se déroule la scène des Grisettes, le célèbre restaurant parisien étant reconstitué dans l’état imaginaire, le Pontevedro où se déroule l’action.

La mise en scène de Jorge Lavelli ne date pas d’hier puisqu’elle a été donnée de multiples fois à Garnier. Elle est classique, chic, soignée avec des décors stylés et une belle direction d'acteurs. Je mettrai cependant un premier bémol concernant le choix de Bastille pour cette reprise : le décor rouge et or, tentures, rideaux, grandes fenêtre s’ouvrant sur le “pavillon” ou les coulisses du spectacle donné en fin d’opérette, doit ménager une piste de danse (superbe parquet au sol !) ronde. Curieusement, ce qui à Garnier paraissait proportionné, la piste de danse est nécessairement assez vaste tandis que certaines scènes doivent garder un côté intimiste, voire caché, apparait sans cesse disproportionné à Bastille. Le contraste nécessaire n’est pas toujours respecté et certaines scènes d’amour à deux semblent perdues dans l’immensité du plateau malgré les habiles jeux de lumière.
D’une manière générale, je pense que Garnier se prête mille fois mieux à cet amusement chic et distingué d’autant plus que certains chanteurs n’ont manifestement pas une voix suffisamment sonore pour cette immense paquebot.

Pour tout arranger le jeune chef Tchèque, Jakub Hrůša, ne m’a pas paru trop à son affaire dans ce style de musique qu’il alourdit souvent, couvrant les chanteurs, et il est rare qu’il parvienne à alléger sa baguette pour rendre compte du champagne pétillant et des légèretés (coupables) de tout ce petit monde. Car il n’y a nul drame dans une opérette. On s’amuse, c’est fait pour et il faut que la musique elle même rende compte de cette atmosphère. Je l’ai parfois trouvé brouillon ou légèrement décalé avec les danseurs.


 Cette Veuve joyeuse, très chic et très légère, avait été créée à Garnier en 1997, sous la direction d’Armin Jordan (qui dirigeait fort bien l’opéra sous toutes ses formes) par Karita Mattila et Bo Skhovus.  La soprano incarnait une Hanna Glawari à la fois très avenante et très entreprenante, avec beaucoup du chic du à sa situation actuelle mais sans trahir ses origines populaires. Mélange des genres subtil que notre Véronique Gens qui excelle dans les rôles de tragédienne antique, rend moins bien. C’est bien joué mais cela manque de fantaisie et d’ambiguité. C’est très “classe” (ce qu’elle est élégante) mais on attend de temps en temps une peu plus de “vulgarité”.
Cela s’entend également dans un chant trop précautionneux, trop peu délié, parfois en légère difficulté dans les passages rapides et appuyés, et qui manque légèrement de projection et de sonorité malgré un beau travail manifeste opéra par la chanteuse qui n’est sans doute pas tout à fait calibrée pour Bastille. Légère déception.

Comme Thomas Hampson (Graf Danilo Danilowitsch), toujours très élégant lui aussi, n’est plus ce qu’il était et que sa voix donne des signes de fatigue évident notamment dans le registre medium, leurs duos n’étaient pas de la plus belle eau et ne créaient pas l’émotion attendue. Leurs voix ont rarement rempli le hall de gare de Bastille et sont souvent restées confinées au plateau avec un chef qui ne faisait guère attention à ne pas les couvrir.
Reste sa fabuleuse faconde, son aisance sur scène, sa belle silhouette et son rôle fantastique de meneur de revue dans le septuor des hommes très enlevé et très réussi.


Le duo comique entre le Graf Mirko Zeta de Franck Leguérinel et le Njegus de Siegfried Jerusalem (rôle parlé pour le ténor wagnérien historique qui doit fêter ses 77 ans), est quant à lui, mené de manière magistrale donnant systématiquement une animation parfaite de la scène. C’était José Van Dam qui était prévu au départ pour le rôle de Mirko, sans doute dans l’idée de voir se confronter deux anciennes légendes. Franck Leguérinel incarne merveilleusement ce vieux comte qui ne cesse de voir des complots (amoureux), en fomente lui-même pour finir trompé mais heureux. Quant à Siegfried Jerusalem, dont on reconnait la silhouette d’ailleurs, il semble s’amuser comme un fou en secrétaire d’ambassade, déférant et moqueur tout à la fois,et même si on regrette qu’il ne chante pas, sa charismatique présence est un petit plaisir de la soirée.


La Valencienne de Valentina Naforniţa est parfaitement bien dans le ton du personnage, elle est drôle et joue avec aisance, ayant le physique de l’emploi et beaucoup de grâce sur scène mais, pour elle aussi, Bastille est un peu grand. Sa jolie voix se perd souvent sans parvenir à franchir l’orchestre.

Par contre le Camille de Stephen Costello n’a pas de difficulté pour se faire entendre et quand il chante, il domine tous ses partenaires en sonorité et en projection. La voix est belle mais un peu monocorde, manquant de nuances et d’expressivité bien qu'il campe un amoureux très crédible, physique et âge du rôle.


Les autres rôles sont d’excellente tenue. On remarque en particulier le vicomte Cascada d’ Alexandre Duhamel, très en forme, voix superbe et très belle présence scénique.

Mais le clou du spectacle ce sont les danses, superbement bien menées par des artistes virtuoses du genre et qui font merveille.
La scène des grisettes est déjà assez réussie, mais l’apothéose vient avec le final de french cancan, si enlevé et acrobatique avec un chef survolté, qu’une véritable ovation méritée ponctue le baisser de rideau.


Une soirée joyeuse mais qui manque de la folie nécessaire à la grande réussite de ce genre de spectacle...



Les petits “plus” du Blog.


La couverture de la partition “piano” lors de la sortie de l’opérette.







Le célèbre duo “L’heure exquise” par Dmitri Hvorotovski et Elina Garanca.




C’est la valse” par Gabriel Bacquier.





Intéressante interview d’Alexandre Duhamel sur le site d’Olyrix

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