La Création de Haydn - Berliner Philharmoniker et Simon Rattle – Philharmonie de Paris – le 3 septembre 2017 -
Deux oeuvres étaient données par le
prestigieux orchestre de la Philharmonie de Berlin sous la direction de Simon
Rattle à la Philharmonie de Paris
Ein kleines symphonisches Gedicht création
française
de Georg Friedrich Haas
et
La Création (“Die Schöpfung”)
De Joseph Haydn
Avec
Elsa Dreisig, soprano
Mark Padmore, ténor
Florian Boesch, baryton
Choeurs “Accentus”
Marc Korovitch, chef de choeur
Ce dimanche 3 septembre au soir, Sir Simon
Rattle donnait son dernier concert à Paris à la tête du Berlin Philharmoniker.
Cette tournée d’adieux avait commencé à Berlin et, la veille, à Paris, la même
formation proposait deux symphonies de Chostakovitch.
A la fin de l’année Sir Simon Rattle, en
fin de mandat, qui avait succédé à Claudio Abbado en 1999 à l’un des postes les
plus prestigieux au monde, cèdera la place au nouveau chef d’orchestre élu par
l’orchestre, Kiril Petrenko, l’actuel directeur musical de l’opéra de Munich,
pour se consacrer à l’orchestre symphonique de Londres.
La Création (Die Schöpfung) de Joseph
Haydn,(1798) oratorio avec trois solistes (soprano, ténor et basse), un chœur à
quatre voix (soprano, alto, ténor, basse) et à un orchestre (avec Pianoforte).
Haydn composa cet oratorio, une de ses principales
oeuvres, après avoir écouté les oratorios de Haendel lors de ses voyages en
Angleterre et apprécié leur éclat musical du fait de l'utilisation par le
compositeur d'un "grand" orchestre (pour l'époque). Il composa cette
"création" inspirée de la Genèse de la Bible, qui met en scène les
premiers temps de l'humanité. En réalité les sources du Livret sont multiples :
la Genèse, le Livre des Psaumes et le poème épique de John Milton.
Il s'agit d'un des oeuvres majeures du
compositeur et on ne peut qu'être frappé par la maitrise de l'écriture musicale
et dramatique dont Haydn fait preuve alors. Construite en trois parties, elle
met en scène trois anges (Gabriel, Raphael et Uriel, chantés par des voix de
Soprano, ténor et baryton) qui racontent comment Dieu créa la terre. Adam et
Eve interviendront dans la troisième partie. Le choeur est un personnage à part
entière, de très belles pages ont été écrites pour son intervention régulière
dans l'oratorio selon la structure classique : récitatifs avec solistes puis
aria avec soliste et choeurs ou choeurs seuls.
L'ouverture, très belle page musicale, met
en scène le chaos qui précède l'intervention de Dieu.
Les duos, airs et récitatifs sont tous de
grande beauté et on sonne souvent à Tamino et Pamina de la flûte enchantée
(1791), avec beaucoup de plaisir.
La "création française" de Haas,
court petit poème symphonique de composition contemporaine, en style "microtonal" a été créé le 25 Août dernier à la Philharmonie
de Berlin. Une découverte ce soir donc.
Impressions après spectacle
Haas c'était court et très percutant. Rien
de spécial à ajouter à part le plaisir d’entendre une oeuvre contemporaine
“microtonale” aussi bien interprétée par l’orchestre et aussi bien mise en
valeur par l’acoustique de Philharmonie qui sied à ce type de musique (alors
qu’elle est “dure” pour les voix...).
Haydn, quant à lui, voulait faire de la
Création une oeuvre pour la postérité et de ce point de vue, il a totalement
réussi.
Cet oratorio est une oeuvre complexe, avec
énormément de variations musicales, des choeurs très sollicités, des parties
orchestrales puissantes, d'autres presque bucoliques, beaucoup de contrastes
pour raconter le chaos "d'avant" puis les sept jours de la Création
biblique de l'Univers par Dieu.
J'ai entendu pas mal de
"Créations" (dont celle qui inaugurait la belle salle de la Seine Musicale
en mai dernier), de tous styles, instruments d'époque et style baroque ou
beaucoup plus moderne comme celle que nous a donné le Berliner Philharmoniker
et son chef Simon Rattle.
Je n’apprécie pas toujours Simon Rattle
notamment dans la direction d’opéra mais ce soir à la Philharmonie, il nous a
donné un spectacle magnifique de maitrise et de musicalité, chaque pupitre,chaque soliste se surpassant dans un très bel ensemble, accélérations, crescendos, parties intimes comme morceaux de bravoure, tout était à sa place. Belle disposition des instruments avec un pianoforte au milieu des cordes.
C'était très bien mené, choeurs
"Accentus" prodigieux (quelle sonorité, quelle diction parfaite pour
ces choeurs qui sont un personnage en tant que tel de l'oratorio), solistes
musiciens (flûte, contrebasse et clarinette) excellents.
Les trois solistes chanteurs sont censés
représenter trois "anges". Et c'est là que j'ai davantage de réserves
(tout est relatif, la soirée était magnifique).
Elsa
Dreisig est un ange à la voix céleste absolument
fabuleuse, tellement bien dans son rôle qu'elle fait une ombre bien
involontaire mais gênante toute la soirée à mon sens, à ses partenaires.
Question de jeunesse, sans doute, de
fraicheur des voix, trop de contrastes entre eux et elle.
Elle était à juste titre la reine de la
soirée, et une révélation pour ceux qui la découvraient) et elle confirmait
qu'elle est en passe de devenir une très grande soprano, elle maitrise
admirablement l'ensemble des vocalises du rôle et semble capable d'à peu près
toutes les nuances, accélérations qu'exige la partition, tout en gardant une
diction et une expressivité parfaite.
J'ai été en permanence sous son charme,
attendant avec impatience que ce soir son tour de chanter. La voix est ronde et
riche, la diction allemande parfaite.
Entre son Pamina à la Bastille en début
d’année et sa Micaela dans la mise en scène controversée de Tcherniakov à Aix,
Elsa Dreisig est en passe de gagner de très beaux galons dans l’art lyrique et,
si elle garde sagesse et prudence, de devenir une très, très gand soprano.
(j'ai réalisé il n'y a pas longtemps que
j'avais entendu sa maman dans Papagena, une Flûte du début des années 90 à
Bastille)
Elle remplaçait pourtant à la dernière
minute pour l’ensemble de la tournée du Berliner Philarmoniker (qui s’était
également produit à Berlin quelques jours avant) Genia Kühmeier. J’aime
beaucoup également cette jeune soprano au timbre pur qui chantait une des
meilleures Michaela entendue ces dernières années, à Bastille en 2012 dans un
Carmen par ailleurs assez globalement raté.
Comme je l’ai dit Elsa Dreisig est si
éblouissante et si peu gênée par l’acoustique médiocre pour les voix, qu’elle
“écrase” un peu ses partenaires pourtant rompus aux rôles l’un et l’autre.
Insuffisamment sonore depuis mon deuxième
balcon, le ténor Mark Padmore m'a paru souvent en difficulté dans des aigus
approximatifs même s'il garde son "métier", et un très bel
investissement et interprète très bien un "rôle" qu'il connait bien.
Mais l'expression n'est pas tout et l'acoustique est capricieuse. Nombre de
fois il a été pour moi couvert par l'orchestre ou les choeurs ou sa partenaire
à la voix claironnante qui remplit toute la salle sans difficulté même quand
elle chante pianissimo (à la Yoncheva à laquelle elle m'a fait penser à
plusieurs reprises). Le timbre du ténor n’est pas toujours très agréable à
écouter.
Le baryton Florian Boesch n'a pas lui, de
problèmes pour se faire entendre et il nous a offert d’une manière générale du
très beau chant avec de très grands moments (notamment le duo final avec Elsa
Dreisig, une merveille) mais sa voix, souvent très belle, m'a gênée à plusieurs
reprises, parce qu'elle n'a plus l'aspect juvénile requis et que son timbre
n'est pas exempt de chevrotements par moment.
Dommage, la soirée aurait été plus à mon
goût avec deux jeunes gens dans les rôles des anges masculins.
Le public n’a pas eu mes réserves puisque
globalement la prestation a été ovationnée, récompense pour une belle
prestation globale.
Et le forum de débat sur l’opéra ODB (où j'écris de temps en temps....)
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