Aida - festival de Salzbourg- 12 Août 2017
Aida
Giuseppe Verdi
Festival de Salzbourg
Retransmission en différé d’Arte, séance du
12 Août 2017.
Nouvelle production
Mise en scène : Shirin Neshat
Direction musicale : Riccardo Muti
Distribution:
Aida : Anna Netrebko
Radamès : Francesco Meli
Amneris : Ekaterina Semenchuk
Amonastro : Luca Salsi
Le roi : Roberto Tagliavini
Ramfis : Dmitry Belosselskiy
Un messager : Bror Magnus Todenes
Une prêtresse : Benedetta torre
Choeurs de l'opéra de Vienne
Wiener Philharmoniker
Même si le festival de Salzbourg propose de
bien belles nouvelles productions cette année (dont la Clémence de Titus), cette Aida était
incontestablement la production plus attendue, du fait de la prise de rôle d’Anna
Netrebko, la soprano star du moment, qui, sur son seul nom, remplit la salle
même à des prix prohibitifs.
C’est donc à cette aune de grande attente
qu’il faut mesurer le résultat suite à
cette retransmission. Je n'évoquerais donc pas l’Aida récemment retransmise par les Chorégies d’Orange, dont le plateau
vocal et la direction d’orchestre n’étaient clairement pas du même niveau (si
l’on excepte l’Amnéris d’Anita Rachvelishvili).
Je reviendrai plus volontiers sur les
récentes Aida données à l’opéra de Paris (reprise de la production d’Olivier Py
en juin 2016) et sur celle donnée en concert à Rome à la Santa Cecilia en janvier 2015, sous la
direction de Tony Pappano (et sur le CD d’enregistrement qui a précédé le
concert).
En effet cette Aida de Sazlbourg ne tient
pas les promesses que la brillante distribution (chef et orchestre compris)
laisse espérer et je ne crois pas, comme je l’ai lu dans quelques critiques,
que ce soit dû uniquement à la mise en scène.
Je crois plutot que, contrairement à la
version-concert donnée à Rome par la plus belle équipe vue et entendue depuis
longtemps dans cet opéra, l’interaction au sein de ce beau monde ne fonctionne
que très partiellement à Salzbourg. Ce qui fait qu’on reste sur sa faim et que les grandes
pages qui couvrent habituellement d’émotions le spectateur comme le final
déchirant entre Aida et Radamès, condamnés à mourir ensemble dans ce fameux
tombeau, m’ont laissée de marbre. Totalement inhabituel chez moi dans Verdi...
Certes, la mise en scène de l’Iranienne Shirin Neshat est
esthétiquement belle mais vide et semble utiliser les poncifs à la mode
actuellement sur les scènes “ en vue” : dominantes de couleurs noires et blanches avec du “rouge” pour trancher de temps en temps. Le déguisement
de Radamès en “Luke Skywalker” comme l’a remarquée à juste titre une autre
passionnée d’opéra, est là pour rappeler d’ailleurs, que cette vision très
stéréotypée du bien et du mal, opposant un empire maléfique et une rébellion
politiquement correcte, le tout empreint d’une vision antique ou moyenâgeuse,
provient de l’influence décisive du génial Star War (lui même très inspiré de
certaines structures fondamentales de l’opéra). Elle n'aide pas à visualiser les moments tragiques de l'opéra et à créer une fluidité entre les parties.
En effet, cette mise en scène ne
prévoit aucune rencontre entre les artistes qui sont comme de grandes
marionnettes aux gestes stéréotypés, presque indifférents les uns aux autres. Sous ce rapport, cela m’a évoqué
certains aspects également trop statiques de la mise en scène de Warlikowski dans le récent Tannhauser monté à Munich.
Du coup, comme j’ai également trouvé Riccardo Muti,
un de mes maestros préférés, nettement moins inspiré que d’habitude et assez
lent, voire manquant carrément des contrastes qu’il savait donner il y a
quelques trente ou quarante ans, j’avoue avoir vécu un certain ennui, un comble
pour moi dans Aida.
Bref pour le dire franchement, on était à
des lieues de la magie de Rome donnée par la baguette de Pappano, l’orchestre
de la Santa Cécilia, ses choeurs, et les interprètes en état de grâce après deux
semaines passées ensemble pour un enregistrement mémorable.
Mais la faiblesse théâtrale de la mise en scène n'explique pas tout. En effet, malgré le fait que j’apprécie beaucoup le
travail d’Olivier Py, je n’ai jamais été totalement convaincue par sa mise en
scène d’Aida, vue lors de sa création il y a trois ans à l’ONP et revue l’an
dernier lors des reprises. Et pourtant j'y ai vécu de grands moments d'émotion tout simplement parce que nous avions, en juin de l’an dernier,
Sondra Radvanovsky en Aida et Anita Rachvelishvili en Amnéris. Une rencontre explosive et
deux grands talents capables de créer une réelle émotion dans n’importe quelle
mise en scène.
A Salzbourg, le plateau était réputé être
parfait mais il n’a pas toujours fonctionné...
Commençons par le rôle-titre, tenu par la
grande soprano Anna Netrebko. L’opulence et la largeur de la voix, la beauté du
timbre, ont quelque chose d’enivrant, la technique est assez sûre même si, là,
on peut davantage apprécier les qualités d’une Radvanovsky, capable de
vocalises beaucoup plus précises, l’aisance dans le chant, tout cela place
incontestablement Anna Netrebko parmi les grandes Aida. Mais, en toute
honnêteté, son “Patria mia” (l’air du Nil) était moins abouti que celui que la
soprano Russe nous avait donné en juin 2015 lors de ce mémorable concert en
plein air à Munich, les aigus moins bien tenus, le souffle moins bien maitrisé
et beaucoup moins d’électricité dans l’air.
Sommet des stars à Munich, Juin 2015, Patria Mia, Anna Netrebko.
C’est la deuxième fois, avec
l’attaque de sa “lettre” dans Eugène Onéguine, que je remarque cette obligation
pour la soprano de reprendre son souffle au mauvais moment deux ou trois fois
durant ces airs de bravoure. Je la trouve bien davantage engagée et excellente
dans son duo avec son père, l’ Amonastro génial de Luca Salsi (décidément je ne
taris pas d’éloges à l’égard de ce baryton qui chantait Gérard dans Andrea
Chénier à Munich). Comme si la
stimulation du baryton, qui a de réelles qualités assez rares finalement, pour
endosser totalement tous les aspects d’un personnage d’opéra, permettait à Anna
Netrebko de sortir d’une certaine réserve qu’elle observe trop souvent et qui
fait penser qu’elle “se regarde chanter”.
Ne pinaillons pas trop : c’est une très
bonne Aida, avec d’immenses qualités, qui marque incontestablement la
performance de son empreinte. Mais quitte à être totalement à contre-courant de l'unanimisme des critiques lues jusqu'à présent, j'émets quelques réserves. Sans doute en attend-on trop à chaque fois, une
chose est sûre : elle n’arrive pas à créer les frissons d’émotions que
produisent Radvanovsky ou même Anja Harteros qui n’est pourtant pas toujours à
l’aise dans ce rôle qui sort un peu de sa zone de confort.
Je l’ai dit, l’Amonastro de Luca Salsi est
d’un très haut niveau de tous les points de vue : il est investi comme on doit
l’être dans Aida, roi rebelle éthiopien vaincu par Radamès à la tête de l’armée
Egyptienne, il garde toute sa noblesse et sa colère, il fustige sa fille Aida
qui a renoncé à sa patrie, et se montre tout simplement bouleversant dans sa
colère quand il parvient à la convaincre de trahir Radamès. Il confirme qu’il
est l’un des grands barytons actuels. Il reprendra d’ailleurs le rôle de Gérard dans Andrea Chénier pour l’ouverture de la prochaine saison de la Scala et si
le “clou” du spectacle sera, une fois encore, la prise de rôle d’Anna Netrebko,
cette fois en Maddalena de Coigny, gageons qu’il sera parmi les triomphateurs
de la soirée (ce dont je me félicite à chaque fois que je l’entends...).
L’Amnéris d’Ekaterina Semenchuck, une mezzo
soprano de grande qualité que j’apprécie généralement beaucoup, est un peu
décevante également pour qui l’a entendue à Rome dans le même rôle sous la baguette
de Pappano. Elle est moins à l’aise dans ce rôle difficile et exigeant dont
l’importance, comme souvent chez Verdi, égale quasiment le rôle vedette de la
soprano, qu’elle ne l’était alors sauf dans son grand final où elle explose
littéralement, libérée sans doute d’hésitations peut être dues à une mise en
scène un peu déconcertante par son statisme. Globalement elle campe une des
meilleures Amnéris de l’heure (avec Anita R. dans un autre style d’ailleurs) en
attendant d’autres prises de rôle.
J’aborde volontairement en dernier des
quatre rôles principaux, le Radames de Francesco Meli qui m’a laissée sur ma
faim d’un bout à l’autre. Le ténor Italien, l’un des partenaires privilégiés
d’Anna Netrebko avec Piotr Beczala, a un joli style, élégant et plutôt racé. Il
campe un Radamès plus amoureux que guerrier et sait donner de jolies nuances à
son chant. Il possède un beau mezza voce mais son registre “forte” est assez
pauvre et la vindicte dont il doit faire preuve à plusieurs reprises, parait
fort peu appropriée. Bref, comme souvent le concernant, je le trouve trop
lisse, sans suffisamment d’aspérités, de colère, de passions, d’engagements et
du coup, il ennuie souvent, d’autant plus que malgré la fréquence de leur
couple sur scène, il n’y a guère de cette alchimie qui fait les grandes
soirées, entre lui et la froide Anna Netrebko.
Pour le coup, on est loin, très loin, de la
magie qui s’opère entre Jonas Kaufmann et Anja Harteros, dont on peut vérifier
la qualité en réécoutant l’enregistrement.
Acte 4- Aida, direction Antonio Pappano.
Dommage.
J’ai bien aimé (comme souvent) le roi de Roberto
Tagliavini et apprécié également le Ramfis de Dmitry Belosselskiy.
J’ai adoré les Choeurs, peut-être avec
Salsi, ce qu’il y avait de plus impressionnant dans la perception par
retransmission de cette soirée qui ne restera pas inoubliable, manquant
singulièrement de l’émotion nécessaire à créer de grands souvenirs. Mais je
n’étais pas dans la salle ce qui peut modifier substantiellement la
perception...
Point de vue de Guy Cherqui (le "Wanderer") sur la distribution B de cette Aida à Salzbourg
http://wanderersite.com/2017/08/une-aida-sans-theatre/
Point de vue de Guy Cherqui (le "Wanderer") sur la distribution B de cette Aida à Salzbourg
http://wanderersite.com/2017/08/une-aida-sans-theatre/
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