Récital Olga Peretyatko&Benjamin Bernheim - 14 mai 2018 -Philharmonie de Paris


Récital Olga Peretyatko et Benjamin Bernheim


avec
L'orchestre de chambre de Paris sous la direction de Giampaolo Bisanti
Lundi 14 mai à la Philharmonie de Paris

(les photos de Catherine W. merci à elle)



Programme
Vincenzo Bellini
Introduction et "Casta diva...Ah bello a me ritorna" (Norma)
Sinfonia (I Capuleti e i Montecchi)

Charles Gounod
"Ah lève-toi, soleil!" (Roméo et Juliette)
"Je veux vivre" (Roméo et Juliette)

Gaetano Donizetti
Ouverture (Don Pasquale)
"Oh luce di quest'anima" (Linda di Chamounix)
"Una furtiva lagrima" (L'Elisir d'amore)
"Qui di sposa...Verranno a te sull'aure" (Lucia di Lammermoor)

Giuseppe Verdi
"Oh fede negar...Quando le sere al placido" (Luisa Miller)
"Mercé dilette amiche" (I vespri Siciliani)
Prélude de l'Acte IV (La Traviata)
"Addio del passato" (La Traviata)
"Parigi o cara" (La Traviata)

Pietro Mascagni
Intermezzo (Cavalleria Rusticana)

Giuseppe Verdi
"Ella mi fu rapita" (Rigoletto)
"Lo vidi e'l primo palpito" (Luisa Miller)
"E'il sol dell'anima... Addio speranza ed anima" (Rigoletto)

Bis
La Villanelle de Eva Dell’ Acqua (1893 pour soprano colorature)
Pourquoi me réveiller ? de Jules Massenet - Werther
Caro Elisir sei moi..Esulti pur la barbara de Gaetano Donizetti - l’Elisir d’Amore

Une fois n’est pas coutume, je commencerai par me féliciter de la beauté de l’orchestre, du son rendu par cette formation de taille modeste dans la cathédrale de la Philharmonie qui supporte plus souvent Wagner, Mahler et Strauss. Je voudrais souligner aussi les subtils arrangements proposés pour ces airs d’opéra, intelligemment adaptés avec beaucoup de couleurs dans la palette instrumentale. Et c’est un vrai plaisir de regarder le chef Giampaolo Bisanti, diriger son petit monde plein de talent (et notamment la première violon et le premier violoncelle), en accompagnement (parfois difficile) des deux chanteurs solistes comme en parties orchestrales pour les morceaux pourtant si souvent entendus.



J’étais venue surtout pour Benjamin Bernheim que j’apprécie énormément, sans être allergique à Olga Peretyatko même si je la trouve généralement très surévaluée, une partie de sa popularité venant d’une sacrée présence sur scène qui masque un peu ses limites vocales.
Mais hier soir, la belle soprano Russe a été plutôt bluffante, assez audacieuse pour commencer par Casta Diva (Norma de Bellini). C'était gonflé mais pas totalement convaincant. Cela m'a permis de vérifier que la voix avait bien évolué depuis que je l'avais entendue en récital au TCE dans Rossini (et Mozart) avec Dmitri Korchak. Les aigus sont beaucoup plus francs et forts, mais un vibrato s'installe de temps en temps qui fait craindre pour la stabilité de la voix.

Je l'ai bien aimé en Linda de Chamounix (son interprétation la plus émouvante), en Gilda (Rigoletto), en Juliette et en Adina (si on oublie son français incompréhensible pour l’essentiel) et en Violetta (c'était même très émouvant cet addio del passato avec un aigu final très bien tenu).
De temps en temps, pourtant, la voix vibre, surtout dans les aigus, ou devient légèrement criarde, les trilles sont un peu évitées mais la plupart du temps, c'est plutôt du beau chant.
Elle atteint davantage ses limites dans les rôles de Luisa Miller (Verdi) ou de Lucia (Bellini), tout comme je ne l’imagine pas dans un Norma intégral. Même si sa voix a gagné en largeur et en assise dans le médium, elle ne lui permet pas, à mon avis, d’interpréter ces rôles beaucoup plus “héroïques” assez éloignés de ses qualités de soprano colorature assez légère. Mais la voix évolue, on peut donc imaginer qu’un jour...


A l’inverse je pense que Benjamin Bernheim n’est pas un ténor lyrique léger, que sa superbe voix ample et bien projetée, mais qui vocalise difficilement et n’a pas un legato très souple, ne se marie pas très bien avec Donizetti, Roméo ou même le duc (Rigoletto) et le Rodolfo de Luisa Miller qui sont exigeants en “italianité” dont il manque un peu.
Ceux qui découvraient le beau timbre du ténor ont été séduits (et il est toujours très agréable à écouter), moi qui l’avais déjà entendu deux fois en récital et plusieurs fois dans des rôles complets dont son Rodolfo dans la Bohême à Paris* j'ai été un tout petit peu déçue. Après deux récitals plutôt réussis (Elephant Paname l'an dernier et Bordeaux que j'ai entendu en retransmission récemment), un très bon "Capriccio" à Garnier et un bon Rodolfo à Bastille, il était moins bon hier soir surtout dans la première partie : Lève toi Soleil et Una Lacrima, interprétée avec puissance mais peu de nuances et  de couleurs. 
Il ne m'a pas paru concentré sur ses rôles comme il sait l’être pourtant, pour en donner une réelle interprétation. C'était bien mieux en deuxième partie (le Rodolfo de Luisa Miller qui promet beaucoup, le Duc de Rigoletto qu'il interprète intelligemment et son Alfredo de la Traviata que j'aimerais bien entendre en entier du coup...). C'était carrément très bien pendant les bis avec un magnifique Werther, même si je l'ai entendu encore meilleur dans ce fameux "pourquoi me réveiller" à l'Elephant Paname l’an dernier où il avait osé également un récit du Graal dans Lohengrin qui montrait bien mieux que Donizetti, où se situent ses qualités exceptionnelles.
Ceci dit mes réserves (d'admiratrice un tout petit peu déçue) doivent être relativisées par deux problèmes dont il n’est pas responsable
D’une part l’acoustique de la Philharmonie est “dure” pour les voix qui manquent un toute petit peu de “couleurs” en accentuant ce trait, je l’avais déjà remarqué en entendant Stanislas de Barbeyrac aux débuts de la Philharmonie.


D’autre part, le répertoire pouvait difficilement convenir aux deux artistes à la fois qui ont des caractéristiques vocales (et des techniques) très différentes. Même dans le final de la Traviata ou dans le dernier air très enjoué donné en “bis”, si leur jeu et leur investissement appelaient toutes les louanges, leur “fusion” vocale laissait à désirer. 

Lors du dernier bis donné en duo, les deux artistes très investis et en interaction totale avec le chef qui "jouait" et chantait aussi, nous ont donné une très belle scène. Manière intelligente de bien terminer un concert...qui paraissait très décousu au départ du fait d'un choix hétéroclite et sans ligne conductrice, du programme.
Belle soirée ceci dit, dans une salle pas très remplie malheureusement tant il se confirme que, sauf exception (présence d’une super star), ces récitals ne font jamais le plein.
Ravie d’avoir vu que Benjamin Bernheim, qui reste à mes yeux, l'un des meilleurs espoirs du chant français,  redonnait un récital l’an prochain à l’Elephant Paname avec piano et en espérant qu’il nous reviendra très rapidement sur scène à l'opéra de Paris. En attendant son prochain rôle est Piquillo dans la Périchole (Offenbach) à Salzbourg avec une bonne équipe sous la direction de Marc Minkowski. Très belle carte de visite. Guettons une retransmission...





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