L'heure espagnole - Ravel & Gianni Schicchi - Puccini - Opéra de Paris - jeudi 17 mai 2018
L'Heure espagnole
Opéra en un acte - 1907
Musique Maurice Ravel
Livret Franc- Nohain
Concepcion :
Clémentine Margaine 17
> 27 mai, 12, 14 juin
Michèle Losier 30 mai, 2,
8, 17 juin
Gonzalve : Stanislas de
Barbeyrac
Torquemada : Philippe
Talbot
Ramiro :
Jean-Luc Ballestra 17 mai
> 2 juin
Thomas Dolié 8 > 17
juin
Don Inigo Gomez : Nicolas
Courjal
Gianni Schicchi
Opéra en un acte - 1918
Musique Giacomo Puccini
Livret : Giovacchino
Forzano (d’après une histoire racontée dans l’Enfer de Dante)
Gianni Schicchi
Artur Ruciński 17, 19,
22, 27, 30 mai et les 2, 8 juin
Carlo Lepore 12, 14, 17
juin
Lauretta : Elsa Dreisig
Zita : Rebecca De Pont
Davies
Rinuccio :
Vittorio Grigolo 17, 19,
27, 30 mai ; 2, 8, 12, 14, 17 juin
Frédéric Antoun 22 mai
Gherardo : Philippe
Talbot
Nella : Emmanuelle de
Negri
Betto : Nicolas Courjal
Simone : Maurizio Muraro
Marco : Jean-Luc
Ballestra
La ciesa : Isabelle Druet
Maître Spinelloccio :
Pietro Di Bianco
Amantio di Nicolao :
Tomasz Kumiega
Pinellino : Mateusz Hoedt
Guccio : Piotr Kumon
Pour les deux opéras :
Direction musicale :
Maxime Pascal
Mise en scène : Laurent
Pelly
Décors Florence Evrard et
Caroline Ginet
Lumières : Joël Adam
Orchestre de l’Opéra
national de Paris
Maîtrise des
Hauts-de-Seine / Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris
Première le 17 mai pour cette reprise de la mise
en scène de Laurent Pelly créée à l’opéra Garnier en 2004.
On peut voir sur le site
de l'ONP deux extraits vidéo du spectacle de cette époque, l'Heure Espagnole
avec le regretté Franck Ferrari et Gianni Schicchi avec Patrizia Ciofi et
Roberto Sacca.
Courez-y si vous voulez
passer une excellente soirée, drôle et réjouissante, en très bonne compagnie,
ces deux petits opéras étant magnifiquement servis par deux équipes de
chanteurs, acteurs, bien dans leurs rôles, bien en voix, à la musicalité et à
la diction irréprochable, un chef jeune et très inspiré et une mise en scène
merveilleusement intelligente et belle !
Pourtant transposer cette
production magnifique de Laurent Pelly de l’intimité de Garnier vers le grand
hall de gare de Bastille, était un pari risqué. Et c'est sûr, l’effet interaction
étroite entre public et scène est bien moindre mais Laurent Pelly et les
scénographes Florence Evrard et Caroline Ginet, ont bien replacé décors et mise
en scène sur le grand plateau de Bastille et du 25ème rang, c'était tout à fait
plaisant et adapté.
Certes il reste l’idée
étrange d'associer ces deux opéras contemporain mais sans autre lien entre eux
à part le fait qu'on rit beaucoup, idée qui reste discutable mais dans laquelle
Pelly avait intelligemment tiré son épingle du jeu en mettant son grain de
folie visuelle, de décors faussement désordonnés et de costume délicieusement
désuets, dans les deux micro comédies. On regrettera de ne pas voir le Trittico
(tryptique de trois petits opéras) de Puccini au complet avec son originalité
musicale et thématique, mais on aura finalement un autre regard sur sa partie
comique donnée hier soir avec un éclairage presque donizettien du fait des
similitudes d’allure avec l’Elisir d’amore de Laurent Pelly.
Soulignons d’abord à quel
point la brochette de chanteurs est exceptionnelle !
C’est très très enjoué mais
je crois qu'il ne faut être trop loin de la scène quand même pour en saisir
tous les détails qui sont désopilants dans l'Heure Espagnole et, dans Gianni
Schicchi, remplis d'un humour du style de sa mise en scène dans l’ Elisir
d'amore (auquel d'ailleurs on pense souvent surtout avec la présence de Grigolo qui fut l’un de ses
plus fameux Nemorino).
Les décors de l’Heure
Espagnole sont fabuleux :
un savant capharnaüm d’objets hétéroclites qui vont du signal de détresse au
taureau empaillé, de l’horloge comtoise à la pendule déréglée en passant par
une machine à laver, une table à repasser, des dizaines de boites diverses etc
etc. C’est le monde réglé et déréglé de l’horloger Torquemada dit « Totor »
où entre le muletier déménageur Ramiro. Concepcion, la femme de l’horloger va
mener le bal des hommes qui entrent et qui sortent, des horloges qui se
déplacent, du temps qui passe et de l’absurde des situations.
J'ai été très surprise de
découvrir Stanislas de Barbeyrac dans un
rôle comique absolument irrésistible en Gonzalve, patt' d'éph' orange, faux
poète snob, qui chante aussi bien qu'il joue. Même surprise pour Clémentine Margaine que j'avais
surtout vue dans des rôles dramatiques (Carmen et Fidès). Ces deux-là nous
donnent un sacré festival (et ce sont deux chanteurs que j'aime beaucoup) mais
la totale surprise (je crois que je ne l'avais jamais entendu autrement que
l'an dernier en Morales dans Carmen), c'est Jean-Luc
Ballestra, incroyablement vrai et sobrement drôle en muletier
déménageur, l'un des personnages les plus décalés de ce micro opéra comique.
(il campe aussi Marco dans Gianni Schicchi). Les deux autres chanteurs, le Don
Inigo Gomez de Nicolas Courjal, imposant en personnage prétentieux et fat et le
Totor à la naïveté confondante (mais qui « gagnera » à la fin) de
Philippe Talbot sont également parfait. Voilà une œuvre que je n’ai jamais vue
aussi bien interprétée avec autant d’intelligence scénique et musicale.
Dans Gianni Schicchi, mise en scène (simple mais rapide et sans temps morts) et les décors sont très en adéquation à la farce jouée, et l’ensemble des chanteurs très bien dirigé dans un maelström de situations en évolution rapide du plus haut effet comique et jubilatoire.
Là aussi, la bonne entente des
chanteurs est remarquable même si, incontestablement, Vittorio Grigolo confirme qu'on
n'est jamais star par hasard dans ce métier : sa technique, son superbe timbre,
ses capacités à colorer son chant et à multiplier les nuances dans un rôle
pourtant assez anecdotique est un vrai plaisir des yeux et des oreilles. Il
entraine assez facilement les autres, tous talentueux, dans son habituelle
frénésie, là parfaitement adéquate et on ne peut que se féliciter de ce choix
de l'avoir invité en guest star de luxe en quelque sorte.
Contrairement à ce qui est parfois sa réputation, le ténor italien sait parfaitement se fondre dans la foule des membres de cette famille rapace et trompée, en amoureux innocent et qui sera récompensé. Mais sa Lauretta est formidable aussi. Elle a évidemment le physique du rôle, son jeu est précis, primesautier et délicieux et la voix est désormais très assurée. Cette Elsa Dreisig ne semble nullement impressionnée de partager le rôle glamour avec une superstar Bogoss, et leur entente était parfaite. Artur Ruciński s'en sort très bien dans un truculent Gianni Schicchi, très drôle et assez différent du dernier que j'avais entendu dans ce rôle (Maestri).
Tous les autres rôles
sont également remarquables : Philippe Talbot, Emmanuelle de Negri, Nicolas
Courjal, Maurizio Muraro, Jean-Luc Ballestra, Isabelle Druet, il faut tous les
citer, c’est une équipe et cet opéra ne fonctionne bien que dans ces
conditions-là.
En français comme en
italien, la diction de nos artistes est d'une précision et d'une élégance de
rêve.
Et puis il y a Maxime
Pascal, le jeune chef prodige que j’avais hâte d’entendre et sa
palette précise, sa direction nerveuse et efficace et sa manière de faire
sonner l'orchestre qui le rend lumineux.
Laurent Pelly et (je
pense) Florence Evrard et Caroline Ginet, les scénographes sont montées sur
scène aux saluts et ils ont tous été ovationnés (c'est rare pour une
Première....
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