Le Comte Ory - Rossini - Opéra Comique - 19 décembre 2017



Le Comte Ory

Gioachino Rossini

Livret d’Eugène Scribe, en français
Créé à l’opéra Le Pelletier en 1828

Direction musicale : Louis Langrée
Mise en scène : Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie-Française
Décors : Éric Ruf
Costumes : Christian Lacroix
Lumières : Stéphanie Daniel
Chef de chœur : Joël Suhubiette

Avec
Le Comte Ory : Philippe Talbot
La Comtesse : Julie Fuchs
Isolier : Gaëlle Arquez
Dame Ragonde : Éve-Maud Hubeaux
Le Gouverneur : Patrick Bolleire
Raimbaud : Jean-Sébastien Bou
Alice : Jodie Devos
Comédiens : Laurent Podalydès, Léo Reynaud

Chœur : les éléments
Orchestre : Orchestre des Champs-Elysées

Le Comte Ory, avant-dernier opéra de Rossini, reprend très largement les airs du Voyage à Reims. Il raconte les frasques du Comte Ory du temps des Croisades, quand les hommes du Château de Formoutiers sont partis à la guerre et que les femmes vivent alors enfermées dans une sorte de gynécée réputé inviolable. Le Comte amoureux d’Adèle, la soeur du châtelain, tente tout pour l’approcher et la conquérir en se déguisant tandis que son page le jeune Isolier, joue de sa séduction et de son charme pour gagner le coeur de la Belle. Ce n’est pas très subtil et seule la musique est légère et pétillante.... Le MET nous avait proposé un Comte Ory éblouissant il y a quelques années dont il resté un DVD.

Première du 19 décembre 2017 à l’Opéra Comique de Paris, Salle Favart.



C'est d'abord la qualité scénique et musicale de la distribution, hier soir à l’Opéra Comique, qui emporte l'adhésion très rapidement plus que l'orchestre pour lequel on peut déplorer une certaine lourdeur notamment lors de l'ouverture qui augure plutôt mal de la suite.
La légèreté de Rossini n'est pas au rendez-vous...

Comme le faux rideau nous montre la conquête de l'Algérie, alors que le Comte Ory se situe dans une toute autre réalité historique (Les croisades en 1200), on réalise que le saut dans le temps opéré est finalement plus important encore que la Bohème mise en scène par Guth puisque manifestement Denis Podalydès a choisi de situer l'opéra de Rossini à l'époque où il fut créé (1828). il n'est pas impossible que ce choix, allié au livret avec ses "Sus aux Turcs, Sus aux Sarrazin" ait provoqué les quelques huées dans la salle lors des saluts. Les "situations" sont un tantinet invraisemblables pour les "puristes" du respect du livret, au 19ème siècle... 



Le rideau se lève sur une sacristie en désordre où le confessionnal est surmonté par une chaire d'où émerge très comiquement, mains (une gantée de rouge l'autre de noir) sur le rebord avant de s'extirper de sa cachette, le comte d'Ory déguisé en curé. Grosse armoire et croix appuyée dessus, quelques effets d'un sacristain, et quelques accessoires de messe, complètent un décor assez surprenant de premier abord.
Mais si le choix d'adaptation de Denis Podalydès se discute, son talent pour diriger les chanteurs transformés en magnifiques acteurs d'une farce, est incontestable.
Et l'équipe joue si bien le jeu qu'on rit beaucoup (presque trop fort parfois...), c'est vraiment jubilatoire et cela relève finalement davantage de la comédie menée à fond de train sans temps mort que de l'exercice vocal souvent attendu dans Rossini.





Ce qui ne veut pas dire que les chanteurs ne soient pas dans l'ensemble de bons à très bons. Mais , Philippe Talbot n'est pas Florez, ni Blake, ni... Camarena. Ses vocalises manquent de précisions et d'élégance, et ses notes aigues sont un peu lancées avec force plus qu'avec virtuosité. Cela ne l'empêche pas de tenir le rôle avec un tel enthousiasme qu'il est totalement communicatif. A chaque fois que je le vois (Platée...) je me demande qu'il n'est pas d'abord un formidable acteur...

Au second acte on change de lieu puisqu'Adèle a regagné son château. Une longue table, des chaises dans une grande salle vide et triste et une scène de l'orage phénoménale suivent donc. Le travail d'équipe Podalydès, Ruf, Daniel, fait mouche. L'orchestre se réveille et nous donne des sonorités fabuleuses tandis que les éléments se déchainent : fenêtre battante, éclairs, coups de tonnerre, assombrissement du plateau, éclairage de bougies qui vacillent, tout y est ....

L'accélération a été perceptible d'ailleurs dès l'entrée sur le plateau de Julie Fuchs à l'acte 1. Elle campe une comtesse espiègle et prête à l'aventure sous son costume de grande dame et sa robe d'innocente jeune fille, elle est jolie, gracieuse, sa voix est étourdissante de séduction, elle vocalise à merveille et semble entrainer tout le monde dans un tourbillon de notes et de gestes. Elle est d'ailleurs finalement "draguée" par tout le monde y compris Dame Ragonde (étonnante Eve-Maud Hubeaux qui fait elle aussi un sans faute très drôle et très remarquable).
Julie Fuchs est particulièrement adéquate aux rôles de fofolle éblouissante et étourdissante et rien que pour elle (la plus applaudie) ce comte vaudrait le déplacement.

Gaelle Arquez possède sur scène une très grande séduction (quelle femme magnifique, quel page superbe ) et incarne Isolier avec éclat et talent. La voix, au timbre très riche, est cependant un peu ample m'a-t-il semblé, surtout au début, trop "forte" par rapport à celle de ses partenaires, non en décibels (quoique...) mais en richesse des harmoniques. 
Mais je chipote car l'ensemble des chanteurs dominaient parfaitement un orchestre hélas inégal dans ses prestations. 
Julie Fuchs, Gaëlle Arquez, Philippe Talbot


Sébastien Bou n'est pas très rossinien et ses vocalises sont assez étranges mais il a comme d'habitude, une telle présence sur scène et une voix très belle et très expressive dans ce genre de salle et, lui aussi, remporte à juste titre son petit triomphe aux saluts. Sa grande scène est sidérante et il ne cesse de sauter sur la table, de courir en tout sens, tout en chantant, c'est assez jouissif je dois dire.

Une excellente diction de tous ces chanteurs francophones ne nécessitaient pas de recourir aux surtitres d'un livret qui par ailleurs ne brille pas par la profondeur des paroles prononcées....

Le moins convaincant a été le Gouverneur de Patrick Bolleire, qui joue bien le personnage autoritaire gardien du temple (avec ce qu'il faut de bouffonnerie) mais n'est pas très à l'aise dans les hyper graves de la partition et manque parfois d'homogénéité dans sa ligne de chant (c'est une manière discrète de dire qu'il y avait quelques fausses notes). Bon cela allait avec les lourdeurs du début, avant l'arrivée ébouriffante de Julie Fuchs.

Choeurs excellents aussi, qui jouent un rôle important dans l'opéra et qui chantent leur propre partition ou doublent celle d'ensemble nombreux et fort réussis, où l'on reconnait le pétillant Voyage à Reims.

Ah j'oubliais la petite Alice de Jodie Devos. Merveilleuse, dommage qu'on la voit si peu.


Notez bien : le Comte Ory sera diffusé sur Culture Box en direct le 29 décembre puis diffusé plus tard sur France trois.. Il sera diffusé  sur France musique le 21 janvier 2018.


Le fil sur ODB
http://odb-opera.com/viewtopic.php?f=6&t=19699&p=333847#p333412







Le petit plus

Le DVD du Comte Ory au MET
Juan Diego Florez -  Joyce DiDonato – Diana Damrau -  Stéphane Degout.







  


Commentaires

Les plus lus....

Le Tannhäuser de Jonas Kaufmann dans la mise en scène de Castellucci à Salzbourg, une soirée choc !

Magnifique « Turandot » à Vienne : le triomphe d’un couple, Asmik Grigorian et Jonas Kaufmann et d’un metteur en scène, Claus Guth

Salomé - Richard Strauss - Vienne le 20/09/2017