La flûte enchantée - Mozart - Opéra Comique - 6 novembre 2017

Die Zauberflöte (La flûte enchantée)

Wolfgang Amadeus Mozart

Singspiel sur un livret de l’acteur, chanteur, metteur en scène, ami de Mozart, Emmanuel Schikaneder.

Opéra Comique – Première du 6 novembre 2017

Chef d'orchestre : Kevin John Edusei
Metteur en scène : Suzanne Andrade, Barrie Kosky
Décors, Costumes : Esther Bialas
Video : Paul Barritt
Lumières :  Diego Leetz
Dramaturgie  :  Ulrich Lenz


Pamina : Vera-Lotte Böcker/ Nadja Mchantaf
Tamino :  Tansel Akzeybek / Adrian Strooper
Reine de la nuit :  Christina Poulitsi / Olga Pudova
Sarastro : Wenwei Zhang / Andreas Bauer
Papageno : Dominik Köninger / Richard Sveda
Papagena : Martha Eason
Monostatos : Johannes Dunz / Ivan Turšić
1. Dame : Inga-Britt Andersson / Nina Bernsteiner
2. Dame : Gemma Coma-Alabert / Katarzyna Włodarczyk
3. Dame : Nadine Weissmann / Karolina Sikora
1. homme en armure Timothy Richards
2. homme en armure Philipp Meierhöfer / Alexej Botnarcius

Orchester du Komische Oper Berlin
Arnold Schönberg Choeur

Production du Komische Oper Berlin-2012-



Tous les jours du 7 au 14 novembre, distribution A et B en alternance.

C’est le dernier opéra de Mozart, mort prématurément à 35 ans. C’est un opéra en allemand, rompant donc avec la tradition de la suprématie italienne absolue dans l’art lyrique et Mozart voulait en faire un opéra populaire, qui se donnerait dans une salle de taille moyenne, avec des airs de virtuoses et des paroles toutes simples, avec une histoire d’initiation et d’amour, mettant en scène le bien et le mal, la jeunesse et l’innocence perdue, la simplicité de l’homme du peuple et le pittoresque des relations. 
Mais Mozart voulait aussi glisser ses conceptions sur l’humanité et imprégner toute son oeuvre des idéaux francs-maçons. C’est ainsi que le chiffre “3” qui symbolise les trois coups frappés pour entrer dans une Loge maçonnique, est ultra présent  : trois dames, trois garçons, trois temples, trois accords (répétés trois fois avec trois bémols à la clé)... La Sagesse, la Raison et la Nature sont les trois piliers essentiels que Tamino devra conquérir pour mériter Pamina.


La Flûte “magique” c’est tout cela à la fois. Si le succès a été aussi rapidement important, c’est que la Flûte regorge de situations mystérieuses autant que cocasses et d’airs fantastiques qui deviendront célèbres à eux seuls : celui de la Reine de la nuit, ceux de Tamino, le duo Papageno et Papagena et j’en passe.

C’est un opéra pour adultes de 7 à 77 ans. Chacun y puisera un peu de magie et de bonne humeur.


Autant dire que la production du Collectif 1927 (Suzanne Andrade et Paul Barritt) associé au génial metteur en scène Barrie Kosky, remplit parfaitement son objectif pour redonner tout son charme à cet opéra souvent maltraité, parce que joué par un orchestre beaucoup trop important, dans des salles que Mozart n’imaginait pas pour son joli Singspiel.
Le Collectif 1927 tire son nom de la date du premier film parlé.
Leur production, qui a été créée en 2012 à l'opéra comique de Berlin, est toute entière conçue comme un immense hommage au cinéma muet et à la BD de la même époque : l’utilisation de la vidéo est permanente et complète. Un film passe devant nos yeux sur un grand mur qui comporte quelques fenêtres. Les chanteurs se trouvent généralement dans ces ouvertures, en osmose totale avec le film projeté, ils se retrouvent ainsi dans toutes sortes de situations très évocatrices qui plongent le spectateur dans un “muet” de la belle époque. Le choix d’avoir remplacé les dialogues parlés de l’opéra par des “cartons” où figure le texte (projeté lui aussi) tandis qu’un piano forte joue dans la fosse, des extraits de la Fantaisie K.475 de Mozart (en do mineur), participe également de l’ambiance générale.




Tamino a des allures de Douglas Fairbanks, Pamina ressemble à Louise Brooks, les maquillages leur font la figure blanche des films noir et blancs, la Reine est une immense araignée façon “Mother” de Louise Bourgeois, Papageno ressemble à Buster Keaton.
L’animation est permanente, d’une très grande efficacité comique ou dramatique, d’une grande force visuelle en adéquation avec la musique de Mozart.
De ce côté là on est servi, on ne s’ennuie pas, on apprécie beaucoup.
Dommage que, côté performances musicales, l’enthousiasme soit moins net voire parfois sérieusement douché...


L’orchestre n’est pas très homogène, on entend des cordes qui grattent, le pianoforte n’est pas assez sonore et détone avec l’orchestre qui lui cède la place (puis la reprend) au moment des dialogues non chantés. L’ouverture est assez ratée (et beaucoup trop rapide) et plusieurs passages ne sont pas non plus à la hauteur de ce qu’on attend d’un des plus beaux opéras de Mozart.
Les voix ne sont pas non plus ce qu’on peut faire de mieux dans cet opéra.



Le Tamino de Tansel Akzeybek en particulier, est assez désagréable à l’écoute du fait d’un timbre nasal très prononcé. Aucun romantisme à mon oreille lors de son plus bel air “du portrait” (« Dies Bildnis ist bezaubernd schön »), alors qu’il est entouré tendrement de l’image de sa belle mystérieuse.

La Reine de la nuit de Christina Poulitsi a du mal dans les aigus lors de son premier air (« O zittre nicht, mein lieber Sohn ! »), mais réussit beaucoup mieux le “grand” air, le fameux, l’irrésistible “« Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen » qu’elle accompagne de lancers de couteaux vengeurs menaçant sa fille prise dans ses toiles.

Pamina (Vera-Lotte Böcker) est globalement meilleure et plus homogène mais il lui manque parfois un peu de douceur et de nuances dans un chant très uniforme malgré un très joli jeu d’actrice très convainquant.


Le Papageno de Dominik Köninger , lui, manque du punch normalement dévolu au personnage haut en couleur, en faconde et en “naturel” de l’oiseleur.


Le Sarastro de Wenwei Zhang a de très beaux moments mais une faiblesse dans les graves qui, là aussi, laisse un peu sur sa faim.
Quant au Monostatos de Johannes Dunz (au look très sinistre et parfait), il s’en sort plutot bien globalement.
Très bonnes “trois dames” (un peu de difficulté dans les aigus de l’une), très bons “trois garçons”.
Bref, nous avons là une troupe d’opéra qui a l’habitude de chanter ensemble, qui connait trè bien cette mise en scène qui exige d’eux finalement très peu de mouvements et beaucoup d’attention pour suivre les incrustations vidéo, et qui manquait peut-être de rodage à l’opéra comique pour cette Première.





Dommage car pour le reste, cela vaut franchement le déplacement. Quelle belle imagination et quelle belle réalisation ! Mais c'est un peu l'inverse du Don Carlos magique de la Bastille : là les voix étaient exceptionnelles quand la mise en scène restait finalement très quelconque....


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