Norma - Bellini - 7 octobre 2017 - MET de New York.
Norma
de Vincenzo Bellini
Opéra en deux actes sur un livret de Felice Romani.
Chef d’orchestre : Carlo
Rizzi
Mise en scène : Sir David McVicar
Décors : Robert Jones
Costumes : Moritz Junge
Lumières : Paule Constable
Norma : Sondra Radvanovsky
Adalgisa : Joyce DiDonato
Pollione : Joseph Calleja
Oroveso : Matthew Rose
Séance du 7 octobre, retransmission cinéma en direct du MET de New York
Quelle affaire que cette Norma, prêtresse druide de la Gaule
romaine, qui a eu deux enfants en secret avec le centurion Romain Pollione. Les
Gaulois sont en pleine révolte, la jeune prêtresse Adalgisa raconte à Norma son
amour pour ... Pollione. Trahisons, vengeances, révoltes, jalousie, exécutions,
l’histoire se termine très mal...
L’action se déroule en Gaule sous occupation Romaine et le peuple
gaulois est présenté comme adorateur de divinités cruelles et exigeantes alors
que Rome, essentiellement représentée par le consul Pollione, apparait comme
civilisée, respectueuse des sentiments et de l’amour. Cette opposition est
l’une des clefs de l’intrigue et de la force des situations puisque Pollione
essayera de convaincre Adalgisa de le suivre à Rome pour y vivre pleinement
leur amour loin des exigences de son peuple et de ses dieux et que Norma qui a
cédé également au “péché” de la chair en rompant ses voeux de chasteté, trouvera
sa fin sur le bûcher logique et juste.
La mise en scène proposée au MET par David McVicar nous propose une
vision conforme mais outrée de cette opposition entre “barbare” et
“civilisation”. Les Gaulois sont perpétuellement ensanglantés et peinturlurés
comme s’ils venaient d’égorger femmes et enfants. Leurs traits et leurs
expressions sont celles de sauvages adorateurs de dieux paiens. En face
Pollione possède tout ce que la civilisation “offre”, une certaine distinction
et de la classe. Les personnages de Norma et d’Adalgisa d’abord vêtues de
“robes” claires assez primitives sont finalement couvertes de noir l’une et
l’autre, comme les deux faces du même drame. Le décor alterne la forêt des
druides (et la lune) lors de la première scène qui conduira au fameux “Casta
diva” chanté par Norma, puis une sorte de hutte où se dérouleront toutes les
scènes intimistes, pour revenir lors du final toujours musicalement
impressionnant, dans la forêt mais cette fois avec le fameux gong que Norma
frappe pour appeler à la révolte. Beaux effets visuels avec les flammes du
bûcher lors du baisser du rideau mais rien de très original et peu de
recherches pour faire ressortir la complexité de l’histoire et lui donner une
lecture moins manichéenne.
Je n’ai pas été convaincue non plus par la direction de Carlo Rizzi
et c’est peut-être ce qui m’a le plus gênée au cours de la soirée. Le tempo est
lent, le rythme sacrifié le plus souvent dans une battue très molle, et les
chanteurs souffrent de devoir sans cesse ralentir leurs effets sous l’impact
d’un orchestre que j’ai trouvé souvent anémié.
Dommage.
Car le plateau a ses qualités et c’est sans doute ce qui ressortait
le plus positivement de la représentation du MET.`
Sondra Radvanovsky en Norma d’abord : c’est un rôle qu’elle possède
et qu’elle habite totalement. Je l’avais vue une première fois dans la superbe
mise en scène de Jurgen Rose à Munich il y a trois ans et j’avais été
impressionnée par ses qualités vocales et scéniques. Là elle déçoit un peu dans
son “Casta diva” un peu laborieux et où elle souffre manifestement d’un petit
problème de gorge dans un air terriblement difficile à négocier mais elle se
rattrape ensuite et nous offre un festival d’airs magnifiques en particulier
“Oh non tremare” ou le “Vanne e li celi entrambi » qui symbolise le mieux
le déchirement de Norma, prêtresse et femme, mère et amoureuse trahie, et que
Sondra sublime en le vivant manifestement sur la scène. Sondra Radvanovsky que
j’ai eu la chance d’entendre déjà dans Norma, Tosca et Aida, puis dans les
trois reines de Donizetti, est incontestablement l’une des sopranos les plus
complètes et les plus impressionnantes de notre temps.
Joseph Calleja, notre cher ténor Maltais, a d’immenses qualités pour
interpréter le difficile rôle de Pollione sur lequel beaucoup de ténors se
casse la voix car il nécessite lui aussi de beaux sauts acrobatiques d’un
ambitus importants et quelques aigus assez héroiques dès le premier air, avant
que la voix n’ait eu le temps de chauffer. J’ai entendu pas mal de Pollione ces
dernières années et je pense que Calleja est le meilleur titulaire du rôle
actuellement. Je l’avais déjà entendu à Londres sous la direction efficace de
Pappano, il est moins percutant au MET sous celle de Rizzi et a une petite
difficulté de gorge lui aussi au tout début de l’opéra mais globalement,
montant magnifiquement en puissance, il termine dans un festival de duos et de
trios superbes avec ses partenaires. Il marque le rôle de son physique puissant
et l’interprète plutot pas mal sachant que ce ténor, assez maladroit sur scène
à ses débuts, a fait d’immenses progrès de ce point de vue qu’il faut saluer.
Le timbre est très beau du début à la fin.
L’Adalgisa de Joyce DiDonato était une première pour moi. Nous
l’avions espéré à Londres l’an dernier mais elle avait alors d’autres projets.
C’est une Adalgisa un peu effacée mahleureusement qui peine à s’imposer face à
Radvanovsky malgré le charme de son joli timbre et son jeu subtil et émouvant. Dommage
c’est une mezzo que j’aime beaucoup. Ceci dit globalement c’est une des
Adalgisa les plus convaincantes que j’ai entendues ces dernières années, sa
jeunesse face à Norma étant particulièrement bien rendue par son jeu et ses
expressions, ses hésitations et ses drames intérieurs également. Dommage que la
voix manque de l’ampleur nécessaire notamment dans les duos et trios de l’avant
dernière scène qui voit la confrontation entre les trois personnages
principaux.
Oroveso, père de Norma, campé par un Matthew Rose déguisé en chef de
guerre écorché et sanguinaire, est un petit rôle difficile. La voix de Matthew
Rose est à la peine lors de sa première apparition et la vulgarité de sa mise
ne semble pas convenir au baryton. Il est magistral par contre au final où un
peu d’humanité face aux supplications de sa fille, lui confère une noblesse d’expression
qui lui convient bien mieux.
Une Norma qui ne restera pas dans mes annales mais qui confirme le
talent des interprètes réunis pour cette série de représentations au MET et qui
se regardait avec plaisir même si l’émotion n’était pas toujours au
rendez-vous.
Le débat (passionnant) sur ODB
Les petits “plus” du Blog
Le trailer de la séance du MET
Maria Callas dans Casta Diva
Le DVD de la production de Jurgen Rose à
Munich, avec Edita Gruberova
Et pour Paul, Edita Gruberova chantant
Casta diva dans cette production de Munich
Deux mots aussi sur le DVD de Londres (ROH) qui vient de sortir.
• Mise en scène : Àlex Ollé / Valentina Carrasco
• Décors : Alfons Flores
• Costumes : Lluc Castells
• Lumières : Marco Filibeck
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Direction musicale : Antonio Pappano
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NORMA : Sonya Yoncheva
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POLLIONE : Joseph Calleja
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ADALGISA : Sonia Ganassi
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OROVESO : Brindley Sherratt
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FLAVIO : David Junghoon Kim
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CLOTILDE : Vlada Borovko
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Chœur : Chœur du Royal Opera
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Premier violon : à confirmer
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Orchestre : Orchestre du ROH
Ma critique lors de la séance d’octobre
2016 au ROH de Londres parue dans ODB.
Pour ses débuts dans l'un des rôles les plus difficiles du
répertoire, Sonya Yoncheva fait bien plus que convaincre de son adéquation au
rôle. Elle a pris très au sérieux l'interprétation complexe de cette druidesse
Gauloise qui a secrètement trahi son serment des années auparavant en ayant une
liaison secrète avec le centurion Romain Pollione. Norma apprend par sa jeune
amie Adalgisa la liaison de cette dernière avec son amant sur fond de révolte
fomentée par le druide Oroveso contre l'occupant romain. Une tragédie en deux
actes, ramassée, oppressante, qui ménage de superbes solos (et notamment le
très célèbre Casta Diva) mais aussi des duos fantastiques (ténor, soprano-
soprano, mezzo-soprano-basse), des ensembles et une partition d'orchestre parmi
les plus belles de ce répertoire. Tous les rôles sont vocalement très exigeants
puisqu'il faut tout à la fois déployer une souplesse de voix, être capables de
beaucoup de modulations, de vocalises, de trilles mais aussi brusquement, au
milieu de la phrase d'aigu ou de graves projetés avec force, colère,
détermination.
Chanteurs de la facilité, acteurs médiocres s'abstenir, c'est
impossible de faire de l'à peu près dans Norma et je dois dire que c'est dans
le rôle de Polione (ténor) que j'ai vu les plus grands ratés ces derniers temps
tant le rôle est casse-gueule.
Mais c'est Norma le vrai "challenge". Et les ainées sont
redoutables : la Callas et Monserrat Caballé en ont fait la référence absolue
de leur talent...
J'avais entendu une très grande Sondra Radvanovsky il y a un peu
plus d'un an à Munich dans la superbe mise en scène de Jurgen Rose.
J'ai entendu ce midi à Londres, une très grande Sonya Yoncheva qui
n'a pas encore l'assurance de ses ainées mais qui marche assez nettement dans
les plus grandes traces. La voix est belle et pure malgré la difficulté et les
torsions que la jeune soprano lui impose : pas une note qui ne soit à sa place,
dans les descentes vertigineuses, les aigus "forte", les montées
crescendo, les vocalises acrobatiques, tout y est. La colère aussi quand il le
faut. Une Norma jeune pour le rôle (plus jeune que Adalgisa mais bon...),
belle, superbe même, qui entre dans son personnage malgré une mise en scène
très statique et avec quelques idées absconses dans les moments les plus
difficiles : quand Norma veut tuer ses enfants et que finalement elle ne s'y
résigne pas par exemple, les détails de mise en scène prête à sourire, la
situation pas du tout.
Ceci dit, malgré quelques effets douteux, la mise en scène sait
ménager la tragédie notamment au travers d'un dispositif scénique et de décors
très oppressants qui symbolise le noir destin des personnages et qui se moule
bien dans la montée tragique imprimée par la musique de Bellini (dirigée par
l'un des meilleurs chef d'opéra du moment, Antonio Pappano). Le final est
grandiose.
A côté d'une Norma aérienne et tragique, le Pollione de Joseph
Calleja ne m'a pas paru du même niveau tout comme les deux autres rôles
importants que sont Adalgisa (Sonia Ganassi) inégale et l'Oroveso de Sherrat
pas toujours top non plus, mais nous étions en répétition générale, il est donc
trop tôt pour juger de performances qui peuvent avoir été "retenues"
pour se réserver pour la Première (lundi prochain).
J'ajouterai que malgré mes réserves lors de la Générale concernant
Calleja, encore en répétition donc, et qui n'a pas donné à fond tous les airs
ce qui est normal, j'avais déjà remarqué que c'était sans doute mon meilleur
Pollione depuis quelques années, ses qualités vocales et la souplesse de sa
voix allant en progressant sans cesse. Il m'avait déjà émue dans la Bohême ici
à Londres, et dans Faust à Munich (celui de Boito) et impressionnée par sa
capacité à adapter sa voix et son physique à des rôles qu'on ne pense pas de
prime abord, faits pour lui.
Sonya Yoncheva est une Norma aérienne, je maintiens mon
qualificatif, mais qui sait donner de la voix, ce n'est pas Sondra Radvanovsky
qui la domine des épaules quand à la largeur de la voix (sans perdre pour
autant la souplesse, les couleurs et le sens des nuances), mais c'est une Norma
bouleversante aussi, et c'est LA qualité de Sonya Yoncheva pour moi (les avis
sont sans aucun doute partagés).
Enfin, j'avoue ne pas comprendre les huées quant à la mise en scène
qui comporte les faiblesses lors de la scène de l'infanticide que nous avons
soulignés, mais qui comporte d'abord et surtout, pour l'essentiel, un pouvoir
émotionnel fort en totale symbiose avec la tragédie.
Pappano est un dieu...
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