Les Noces de Figaro - Mozart - Munich - 28 octobre 2017
Les Noces de Figaro
Wolfgang Amadeus Mozart
Opera buffa en quatre actes, en italien.
Livret de Laurenzo Da Ponte
Direction musicale : Constantinos Carydis
Mise en scène : Christof Loy.
Il Conte di Almaviva - Christian Gerhaher
La Contessa di Almaviva - Federica Lombardi
Cherubino - Solenn' Lavanant-Linke
Figaro - Alex Esposito
Susanna - Olga Kulchynska
Bartolo - Paolo Bordogna
Marcellina - Anne Sofie von Otter
Basilio - Manuel Günther
Barbarina - Anna El-Khashem
Choeur du Bayerischen Staatsoper
Bayerisches Staatsorchester
Séance du 28 octobre, opéra de Munich,
retransmission en livestream.
Les “Noces de Figaro” est le premier des
trois opéras de Mozart dont Da Ponte écrivit le livret. On parle souvent de
trilogie à juste titre : incontestablement ces trois opéras portent la marque
des très grandes oeuvres qui n’ont pas vieilli d’un pouce depuis leur création
mais elles comportent des similitudes orchestrales et scéniques évidentes. Les
deux autres oeuvres sont en effet Don Giovanni et Cosi Fan Tutte.
Inspiré du très révolutionnaire “mariage de
Figaro” de Monsieur de Beaumarchais, ces Noces sont plus sages mais elles n’en
dénoncent pas moins les préjugés sociaux et la condition des femmes, notamment
les droits infinis des maitres sur leurs subordonnées.
La nouvelle production proposée par Loy
allie beauté du cadre proposé et intelligence de la direction d’acteurs.
La scène de Munich est d’abord barrée d’un
grand rideau noir laissant une partie de la scène libre à l’avant. Au milieu du
rideau, un théâtre de marionnette à fil, semblable à l’opéra de Bavière en
miniature qui s’ouvre pendant l’ouverture (sublime morceau, l’une des plus
belles ouvertures de Mozart avec celle de Don Giovanni). Une marionnette
représente Figaro, l’autre Suzanna. Pour qui a visité récemment le musée de la
ville de Munich, il est plaisant de reconnaitre les superbes expositions de ces
mini-théâtre à marionnettes reconstitués qui occupent l’un des étages les plus
intéressants.
Le rideau se lève sur la scène identique au
petit théâtre, avec une toile romantique représentant un jardin sur le mur du
fond, une mini estrade tendue de rouges, quelques marches blanches descendant
vers la grande salle parquettée flanquée d’une porte à droite et de deux portes
à gauche.
Le tout est alors à une échelle inférieure
à la réalité, les personnages doivent se pencher pour passer les portes.
Et à chaque acte, suite à un intermède
théâtral bien choisi avec rideau noir et petit théâtre, le rideau s’ouvre sur
la même scène à une échelle largement supérieure.
Les accessoires sont également
significatifs de l’évolution de l’action : un simple fauteuil pour la première
scène, doublé d’un sofa quand il s’agit de cacher Cherubino, des dizaines de
paires de chaussures de femme quand il s’agit de représenter la chambre de la
comtesse (ainsi que beaucoup de vêtements), des chaises élégantes et à siège
rose (comme celles de l’opéra de Bavière) pour la salle du mariage etc.
Beaucoup de fleurs, une élégance générale
très début 20ème, du rose, du mauve, du blanc, du noir, des figurant-e-s
exceptionnellement beaux, élégants et gracieux, des choeurs superlatifs, bref,
c’est le parti pris esthétique de la cruauté des situations dans l’élégance
d’un écrin de nacre et de soie.
Et c’est très efficace d’autant plus que la
direction d’acteurs est magistrale et les interprètes tous exceptionnels.
Commençons par la direction musicale : Constantinos
Carydis est à la tête d’une formation typiquement “mozartienne”, petit
orchestre de cordes, bois et cuivres en nombre réduit, deux timballes pour les
percussions et surtout un clavecin et un pianoforte pour les récitatifs. Son
entrain, dès l’ouveture, est tel qu’on craint, un moment un Mozart un peu trop
rapide mais non, c’est pétillant comme du champagne, c’est magnifiquement joué,
l’osmose avec les chanteurs (ensembles et choeurs compris) est tout simplement
exemplaire.
La partition comprend beaucoup de ces
“ensembles” dans lesquels Mozart excelle et je les ai rarement entendus aussi
bien interprétés avec autant de talent par tous les solistes, échanges,
réponses, reprises, c’est époustouflant. Le final de l’acte 2 est à ce titre un
véritable morceau de bravoure.
Ensuite le plateau vocal est magnifiquement
servi à tel point qu’on ne sait pas par qui commencer...
Par la Susanna d’Olga Kulchynska sans
doute, soprano russe magnifique que je ne connaissais pas encore, et qui n’est
pas la soubrette un peu chichiteuse habituelle, mais une superbe jeune femme
belle et généreuse, qui défend ses droits et ceux des autres opprimés avec une
conviction et des accents bouleversants rarement entendus dans ce rôle. La voix
est très belle et les aigus sont charnus et osés, remplis d’un charme piquant
très efficace. Comme elle joue également très bien, on est rapidement subjugué
par son talent. A suivre de près.
Le Figaro d’Alex Esposito que j’avais déjà
vu et entendu, confirme qu’il est l’un des bons titulaires du rôle, drôle et
espiègle, il a le sens de la légèreté que requiert le rôle et sait parfaitement
jouer de tous les aspects de sa voix et de son style pour s’adapter à tous les
airs et toutes les situations que son rôle exige. Admirable aussi.
Quant au Conte di Almaviva de Christian
Gerhaher, c’est une bien belle surprise. Je connais bien le baryton allemand,
plus souvent rompu aux rôles wagnériens (excellent Wolfram dans le dernier
Tannhauser de Munich par exemple) et surtout à l’art du Lied, qu’à ce genre de
rôle, mais il a déjà incarné Don Giovanni et ma foi, c’est aussi un excellent
baryton mozartien. Et puis c’est un fidèle de la troupe de Munich, où il a
récemment incarné également Rodrigo dans Don Carlos ou Papageno dans la Flûte,
et où il sera Amfortas dans la nouvelle production de Parsifal en juin
prochain.
Et que dire de la Contessa di Almaviva de Federica Lombardi ?
Sublime elle aussi. Port altier mais fêlures visibles, elle chante elle aussi
avec une grâce infiniment touchante et qui fait mouche tout au long de l’opéra.
Le Cherubino de la jeune Solenn'
Lavanant-Linke est espiègle et magnifique lui (elle) aussi dans ce rôle souvent
travesti où dans l’adolescent on devine une fragilité rudoyée.
La belle Marcellina d’Anne Sofie von Otter,
qu’on retrouve là avec émotion, leur donne la réplique avec humour et campe un
personnage qui n’est jamais caricatural tout en représentant bien la
gouvernante venue régler ses comptes.
Les trois autres rôles, le brutal Bartolo
de Paolo Bordogna, le joli Basilio de Manuel Günther et la charmante Barbarina
d’ Anna El-Khashem complètent magnifiquement une des plus belles distributions
qu’il m’ait été donné d’entendre dans les Noces depuis longtemps.
Réécoute encore possible par ce lien
Trailer
L’opéra est encore donné pour quelques
séance à Munich, puis à nouveau pour deux séances en juillet dans le cadre du
festival d’été avec la même distribution.
https://www.staatsoper.de/stueckinfo/le-nozze-di-figaro-1/2017-10-31-17-00.html?tx_sfstaatsoper_pi1%5BfromSpielplan%5D=1&tx_sfstaatsoper_pi1%5BpageId%5D=527&cHash=7fbbbb6ae93ef9fcbcbcc300bc8492e1
Le magnifique « Abendstern » de Wolfram dans Tannhauser, par Christian Gerhaher. Munich, juin 2017. Voir aussi sur le ce blog :
http://passionoperaheleneadam.blogspot.fr/2017/07/tannhauser-richard-wagner-opera-de.html
Les petits « plus » du Blog
Une autre interprétation de Suzanna par Olga Kulchynska au
Bolchoi cette fois.
Et en Russe, le dialogue entre Roméo et Juliette,
Tchaikovski, Bolchoi
Le magnifique « Abendstern » de Wolfram dans Tannhauser, par Christian Gerhaher. Munich, juin 2017. Voir aussi sur le ce blog :
http://passionoperaheleneadam.blogspot.fr/2017/07/tannhauser-richard-wagner-opera-de.html
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