Tannhäuser- Richard Wagner - Munich - 4 juin 2017


Tannhäuser

de Richard Wagner

Bayerische Staatsoper - München

Tannhäuser Klaus Florian Vogt
Elisabeth Anja Harteros
Vénus Elena Pankratova
Wolfram Christian Gerhaher
Landgraf Hermann Georg Zeppenfeld
Walther von der Vogelweide Dean Power  
Biterolf Peter Lobert
Heinrich der Schreiber Ulrich Reß
Réunira von Zweter Christian Rieger
Ein junger Hirt Elsa Benoît
Vier Edelknaben Tölzer Knabenchor


Direction musicale Kirill Petrenko
Mise en scène Romeo Castellucci
Nouvelle production 


Retour sur la retransmission de Tannhäuser
J'avais intégralement écouté la retransmission radio depuis BR Klassik lors de la Première de ce Tannhäuser très attendu et souligné l'excellence et la subtilité (voir l'esprit résolument novateur) de la direction de Kirill Petrenko qui est désormais l'un des meilleurs chef des opéras de Wagner. Sans doute parce qu'il traite la matière musicale du compositeur en la décortiquant puis en la recomposant soigneusement respectant tous les composants: les thèmes, les divers instruments (notamment l'opposition cuivres-cordes et le rôle des solos de harpe ou de cuivre), les voix (solistes, en duos, en "ensemble" une spécialité de Wagner qui doit permettre des les entendre tous et d'entendre la partition de chacun en même temps) et le fameux dialogue voix-orchestre. L'ouverture peut paraitre moins spectaculaire que sous la baguette d'autres chefs mais elle gagne en intensité et "ouvre" vraiment l'opéra en présentant sans excès ostentatoire mais avec beaucoup de force, l'ensemble des thèmes qui vont le parcourir de Vénusberg à... Vénusberg.

Pour cette Première, le seul qui m'avait déçue (sans surprise par ailleurs, je pense que le rôle n'est pas pour lui), c'était le Tannhauser de Klaus Florian Vogt, hésitant dans l'acte 1 et uniforme dans les autres.

Le représentation du 4 juin de ce point de vue, a confirmé mes impressions musicales (je n'y reviens pas) et le plaisir d'écouter la lecture "Petrenko" de ce Tannhauser, et vocales avec quelques nuances : j'ai été éblouie par la beauté de l'interprétation d'Anja Harteros, une Elisabeth toute en nuance, en beauté du timbre, en douceur des sentiments, dès son entrée à l'acte 2 et ce très beau "Dich teure Halle grüß ich wieder". L'autre magnifique interprète de cette représentation est sans conteste, le superbe Wolfram de Christian Gerhaher, le plus bel air à mon sens de la soirée, fut son "Ô du mein holder Abendstern"qui m'a arraché des larmes.

Klaus Florian Vogt a été considéré le plus souvent comme ayant réussi sa prise de rôle : je ne me prononcerai pas sur le sujet précis car, à partir du moment où Vogt chante Tannhauser (ce qui me parait être un contre sens) il le chante forcément avec ses moyens et ses caractéristiques vocales : timbre blanc, peu d'harmoniques, voix qui se projette magnifiquement mais qui est tout sauf une voix de ténor héroïque. Il a de surcroit, à mon oreille, d'autres limites : très peu de nuances par exemple, tout est chanté d'un bloc, et surtout un vrai problème pour "scander" la phrase musicale wagnérienne, sa respiration se place mal, coupe la ligne.

C'est surtout vrai à l'acte 1 où, pour moi, la différence de qualité de prestation entre lui et Elena Pankratova est énorme de ce point de vue. Il réussit mieux sa "sortie" et ce superbe "Récit de Rome" où il est nettement plus convainquant, une fois qu'on s'est un peu habitué à son timbre (mais on le sent au bout de ses possibilités, les gros plans sont assez impitoyables de ce point de vue).


Mes derniers Tannhäuser entendus (et vus), Johan Botha, Stephen Gould et Christopher Ventris sont à mille lieux de cette prestation....(et même José Cura que je n'ai entendu qu'en retransmission mais qui incarnait mille fois mieux ce Tannhäuser français qu'il nous a fait découvrir récemment).










Je reste parmi les non convaincues de ses incursions au-delà du Wagner lyrique mais il est vrai qu'il n'a pas tort de s'aventurer sur le reste des terres wagnériennes s'il veut -un peu- diversifier son répertoire, lui qui ne chante pas l'opéra Italien ni l'opéra Français.

Venons-en à la mise en scène : j'avoue que, là non plus, je n'ai pas été convaincue.
Le parti pris de Castelluci est d'abord esthétisant et l'ouverture est prometteuse : superbe ballet au ralenti d'amazones poitrine nue, tirant des petites flèches sur un rond lumineux avec d'immenses arc, rien à dire, on est captivé.
L'acte 1 est déjà plus discutable qui emprisonne la pauvre Vénus dans une montagne de chair flasque censée représenter le désir ("qui explique sans doute le dégout et l’écœurement de Tannhauser", dit Elena Pankratova à l'entracte, l'air peu satisfaite du sort que lui a réservé Roméo).
L'acte 2 est le plus beau : Romeo Castelluci y déploie dans une dominante de blancs (ah ces voilages blancs qu'on retrouve si souvent sur les scènes Munichoises), une succession de "ballets" très stylisés et esthétiquement très réussis, dans le fond de la scène tandis que les personnages, habillés d'une dominante de noir ou de blancs occupent le devant de manière généralement statique, dans des poses solennelles et immobiles.
C'est beau mais c'est très rapidement vide.

Aucune direction d'acteur : ils sont tous figés en rang d'oignon, assez éloignés les uns des autres, ne se touchent jamais ou presque, il n'y a pas d'élan fusionnel, pas de passion des corps, il y a beaucoup de nus, mais ce sont des "faux" (volontairement visibles comme tels j'imagine), il n'y a pas de mouvement,bref, un gros ennui et une grosse déception. Vogt arbore du début à la fin, un air très contemplatif, yeux grands ouverts fixés vers la salle (le plafond), Harteros plus habile sait jouer de ses traits et de son regard (et surtout de sa voix) pour exprimer ses sentiments sans bouger, tout comme Christian Gerhaher et Elena Pankratova mais l'ensemble reste quand même fort peu émouvant dans une retransmission cinéma où l'accumulation de gros plans me parait être un contresens face à la mise en scène de Roméo Castelluci qui doit s'apprécier mieux, globalement.
Mais c'est surtout l'acte 3 qui m'a littéralement déboussolée.
Deux tombeaux de pierre bleue sont l'unique décor de la scène devenue fort sombre.
Les deux susnommés s'y allongent avant d'être remplacés par des mannequins représentant leurs cadavres, lesquels se mettent à pourrir littéralement (ventres qui gonflent, putréfaction des chairs) avant d'être réduits à l'état de squelettes. Avoir sous les yeux le corps difforme et rongé par les vers d'Anja Harteros pendant que Tannhäuser chante le "récit de Rome" bon, je ne sais pas...sans commentaire finalement.
J'imagine que Castelluci a voulu exprimer bien des idées par les symboliques choisies (ballets compris) mais elles sont souvent difficiles à percevoir et s'il s'agissait de parler de la mort d'Elisabeth, ce n'est pas le procédé le plus élégant (pas plus que celui qui consiste à rétablir les identités des chanteurs quand on représente leur tombeau...)

Bref, à voir, mais je n'ai pas été emballée.
Merci à tous ceux qui me donneront les clés de ce que je n'ai pas compris



Très belle prestation également de l'étonnante Elena Pankratova qui, faisant fi de ce que la mise en scène lui impose, campe une splendide Vénus, sans doute la voix la plus wagnérienne de la soirée, qui a, tout à la fois la largeur de la voix, la richesse des harmoniques, un immense sens des nuances, une très longue ligne de chant sans respiration qui "donne" tout son sens à la phrase wagnérienne, bref de la belle ouvrage hautement satisfaisante. Georg Zeppenfeld a aussi la noblesse du phrasé wagnérien dans ses gênes et c'est toujours un plaisir d'entendre sa belle voix de basse dans l'un de ces rôles qui lui va comme un gant. Beaux seconds rôles masculin et chœurs absolument sublimes (comme l'orchestre d'ailleurs).


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